Malgré les avancées du budget de la recherche, l'industrie recule en France. Même si les grandes entreprises et certaines PME
maintiennent le rythme, au-delà de quelques niches technologiques, la
création de nouvelle entreprise industrielle demeure faible sinon
inquiétante. Certes la mondialisation bouscule la carte des pays
industriels mais une autre raison est à rechercher dans le couple
chercheur et entrepreneur, ces temps-ci, plutôt en souffrance.
En France, le mélange des genres n'est pas aisé. Pour le chercheur,
l'entrepreneur est souvent un affairiste supposé opportuniste. Pour
l'entrepreneur, le chercheur serait un doux rêveur dont la carrière se
confond à une institution publique dont il épouserait les travers.
L'entrepreneur soupçonne ce dernier d'égocentrisme, l'autre moque sa
fougue combattante. Le chercheur redoute les turbulences du privé, le
second craint une stabilité trompeuse. Parfois, un semblable complexe
d'infériorité les pousse à s'éviter. L'entrepreneur n'ose endosser des
savoirs dont il ne possède pas la maîtrise. Pour le chercheur,
l'entrepreneur est un activiste qu'il juge difficile d'égaler. Tous deux
se recroquevillant, ils s'ignorent souvent.
Nullement réductible à un modèle préétabli, la recherche rythme avec un
temps indéfini, essais et approximation. La création d'entreprise est un
acte concret. Elle s'impose à la lecture du business plan et, dans
l'action, du bilan. Marchés, clients et cash flow battent la mesure.
Comment rassembler ces frères ennemis ?
Conscient du problème, le Ministère à l'Enseignement Supérieur et la
Recherche organise chaque année depuis 1999 un Concours national d'aide à
la création d'entreprises de technologies innovantes. 785 entreprises
ont ainsi vu le jour ! A y regarder de près, l'on relève que beaucoup de
porteurs de projets sont des chercheurs, la plupart rivés à une
institution public ou para public. Dans le lot, peu d'entrepreneurs. Et
pour cause, le concours ne s'adresse pas aux projets qui seraient
adossés à des intérêts financiers. Pas davantage n'est-il possible
d'adjoindre un capital tiers à la création de société ! Le Ministère
argue que les entreprises tiennent la route : 68 % seraient en activité
cinq années plus tard. Malheureusement le faible nombre d'emplois ainsi
créé (4750) alors que la filière industrielle en perd peu ou prou chaque
année 50 000 suggère un commentaire plus contrasté.
L'option qui consiste à draper le chercheur dans le rôle d'entrepreneur
n'est pas sans danger. Inévitablement, ce dernier organise son « affaire
» autour d'un brevet. Aura-t-il les moyens de mûrir une approche
globale et mondiale du marché, parfois complexe ? Ce même brevet
peut-être aussitôt anéanti par une prouesse technique à l'autre bout de
la planète, notamment, en Inde et en Chine, les incubateurs
technologiques pullulent. Si l'entrepreneur a le devoir d'élargir la
vision du chercheur, il doit aussi convaincre les financiers (banques,
fonds d'investissement, venture capital) du programme de recherche pour
maintenir le cap. Comme les financiers prisent la rentabilité à court
terme, l'exercice est ardu mais obligatoire. Dans l'absolu, jamais la
contrainte financière ne devrait étrangler la recherche et pourtant
c'est souvent le cas lorsque le chercheur s'aventure seul. Il
s'éparpille alors, porte à bras le corps son projet. Si l'on souhaite
vraiment augmenter la puissance de feu l'industrie française, créer de
l'emploi, il faut alors souder davantage le couple chercheur et
entrepreneur, à chacun son métier mais tous deux ensemble !
* Daniel Levacher, Chercheur, Docteur es sciences
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