Commerce numérique et emploi

La croissance du e-commerce en France peut faire l’objet de commentaires : elle est inéluctable et correspond de plus en plus aux modes de vie et aux attentes des Français. Cessons l’hypocrisie autour des ouvertures le dimanche ou des journées étendues : le consommateur veut pouvoir acheter à n’importe quel moment, et de préférence lorsqu’il est détendu, et disponible pour cela. Nous devons donc nous préparer à une désertification progressive du petit commerce traditionnel, au profit d’un nouveau commerce.
Les grands distributeurs ne s’y trompent pas : tous ou presque ont lancé une enseigne « Drive » de leurs hypermarchés : Leclerc Drive, Carrefour Drive, Chronodrive pour Auchan, etc. Pourquoi cela ? Simplement pour faire face à une concurrence nouvelle, concurrence qu’ils pensaient morte depuis longtemps : celle du commerce en ligne !
Aussi paradoxal que cela puisse paraître, l’explosion du  e-commerce a relancé les velléités entrepreneuriales de nombreux commerçants, déjà en activité ou de création récente : au total, le Fevad recense 100.400 sites marchands en France, soit 7 fois plus qu’en 2005.
Pour les hypermarchés, et leurs mastodontes de m², et d’infrastructures logistiques hyper coûteuses, cette nouvelle concurrence oppose :
  •  souplesse : pas d’horaires d’ouverture limités, service clientèle disponible et humain, gammes profondes et disponibles, et
  •  affinité : entrepreneur commerçant, visible, souvent passionné
Cette situation est très paradoxale, après que les 6 grands distributeurs de ce pays que sont E. Leclerc, Carrefour, Auchan, Casino, Système U, et Cora se soient évertués à restreindre la concurrence autour d’eux, cette concurrence revient par où elle était supposée avoir disparu depuis longtemps.
En effet, la puissance des grands distributeurs est née avec le hard discount, à la fin des années 1960, et la création des centrales d’achat. Acheter moins cher était la devise alors pour ces distributeurs d’un nouveau genre. Le consommateur est entré dans leur jeu si bien que des pans entiers du petit commerce ont disparu, et avec eux les industries manufacturières correspondantes.
Rappelons tout de même que, si des enseignes comme Auchan ou Système U ont compris l’importance du rôle social de leur modèle de distribution, le Groupe Auchan avec son modèle participatif pour ses salariés, et Système U avec une politique d’achat local développée très tôt, les autres enseignes ont, elles, toujours joué leur puissance contre l’équilibre social. Notons au passage qu’une enseigne comme E. Leclerc qui revendique aujourd’hui des valeurs, autour de l’écologie ou de l’engagement social, a été la première à importer de Chine des produits manufacturés (bonjour l’écologie…), et faire fermer des usines en France, à son seul bénéfice. Les anciens ouvriers de sociétés comme Menzer, ou Gitane, en savent quelque chose. La nocivité d’une telle enseigne pour l’équilibre social se traduit par un fait simple : le propriétaire du centre Leclerc de chaque région est souvent – sinon toujours – le premier contribuable de sa région. A quel prix social pour ses salariés ?...
Après cette période de conquête, largement aidée par le pouvoir politique, qui y a trouvé son  intérêt, les enseignes ont joué le protectionnisme en imposant dans les années 90 le gel des surfaces commerciales : voilà qui est simple comme mesure pour éviter qu’un concurrent étranger s’installe en France ; il suffit d’interdire l’ouverture de nouvelles surfaces commerciales (!). Les socialistes au pouvoir à l’époque ont voté cette réforme, preuve que le clientélisme en politique n’est pas une exclusivité de droite.
Et voilà que 40 ans après que les hyper aient déstabilisé l’économie, ce sont des petits entrepreneurs qui créent une nouvelle forme de concurrence, grâce à des entreprises de e-commerce. C’est une forme d’ironie du sort, plutôt inattendue.
L’énorme avantage du e-commerce par rapport à l’hyper distribution vient de plusieurs facteurs :
-      l’e-commerçant est souvent un petit commerçant : il s’approvisionne plus volontiers localement, en France sinon en Europe
-      pour la plupart des e-commerçants, le ratio emplois créés/million d’euros de chiffre d’affaires est proche de celui du commerce traditionnel. Or ceci est important car l’hyper concentration du commerce en France prive la nation de manière structurelle d’environ 1,5 Millions d’emplois depuis 1980.
-      Malgré certaines idées reçues, l’e-commerce recrée le plaisir d’acheter, parce qu’il est ludique, coloré, varié, et sans limites.
La création d’emplois nouveaux se fera en très grande partie autour de la vente numérique, et cela de façon pérenne, non pas grâce aux armées d’ingénieurs et de graphistes qui vont créer des sites web marchands – ces métiers sont facilement délocalisables – mais grâce aux nouvelles formes de vente, et aux nouveaux services associés

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