Croissance en panne. Les résultats de l’activité économique française au deuxième trimestre 2014 ont été publiés par l’Insee il y a quelques jours et ils ne sont pas bons, loin des prévisions annoncées par le gouvernement. Face à un 0 % de croissance, les entreprises françaises sont nombreuses à jeter leur dévolu sur un marché chinois en plein boom. Hausse des exportations, modifications des standards de production, partenariats avec des conglomérats nationaux, toutes les stratégies sont bonnes pour profiter de ce nouvel Eldorado de la consommation.
La Chine, première puissance économique mondiale ?
La Banque Mondiale a publié il y a quelques mois son état des lieux de l’économie mondiale et selon elle,
le PIB chinois pourrait surpasser le PIB américain en 2014. La Chine détrônerait donc les USA de leur place de première puissance mondiale, place qu’ils détiennent fièrement depuis 1872. Si les analystes avaient prévu que cet événement arriverait en 2019, la Chine sembl bien partie pour devancer toutes les attentes. Avec 7,5 % de croissance pour le second trimestre 2014, l’Empire du Milieu présente des perspectives attractives pour quel entrepreneur chercherait à développer son activité.
Cette attractivité est magnifiée par l’essor des classes moyennes chinoises, qui ne cessent d’augmenter d’année en année. Les experts tablent en effet sur pas moins de 200 millions de ménages qui percevraient des revenus annuels supérieurs à 35 000 dollars par an (25 889 euros) d’ici 10 ans dans les pays émergents. En 2022, 80 millions de chinois auront basculé dans cette classe de la population. Selon le cabinet Ernst and Young, à cette date
220 millions de ménages en Chine vivront avec des revenus annuels dont l’amplitude s’étalera de 10 000 à 30 000 dollars.
Une hausse des salaires qui va agir sur la consommation et devrait s’accompagner d’un appétit nouveau pour les biens durables ou encore les services. « Il y a dix ans, 28 % des Thaïlandais avaient un pouvoir d'achat supérieur à cette somme (10 000 euros ndlr). Ils sont aujourd'hui 40 %. Et les ventes de réfrigérateurs ont doublé pendant cette période. En 2013, 40 % des ménages indonésiens étaient à ce niveau de revenus annuels. Ils seront 60 % en 2022, du fait d'une démographie favorable et de l'urbanisation », toujours selon E&Y. Le Géant qui sommeille est donc en plein réveil et les entreprises françaises ne peuvent envisager des marges de progression sans décider de s’attaquer au marché chinois.
« Ne pas venir en Chine, c’est mourir »
Devant ce terrain de consommateurs en puissance et face aux limites auxquelles se heurtent les entreprises françaises lorsque ces dernières veulent prospérer au sein de nos frontières, l’opportunité chinoise s’impose. « Les entreprises françaises ne réalisent pas que, ne pas venir en Chine, c’est mourir !» déclarait
un cadre de la société Natixis-Pramex. Si l’attrait des chinois pour le luxe à la française est toujours d’actualité, il serait aujourd’hui victime de
la campagne contre les comportements ostentatoires, actuellement en vigueur au sein du gouvernement chinois. La discrétion est valorisée et les chinois préfèreront se procurer des articles de luxe en dehors de leur pays plutôt que de subir la pression sociale. C’est ainsi que seuls 20 % de chinois ayant achetés un produits de luxe en 2013, l’ont fait en Chine. De plus, l’achat de tels produits à l’étranger permet aux chinois fortunés de se soustraire à des taxes intérieures frisant parfois l’indécence des 40 %.
Si le secteur du luxe perd des points, celui de l’agroalimentaire français arrive peu à peu à percer après des années d’efforts. On note en 2013
une augmentation des exportations des produits laitiers de l’ordre de 46,53 % par rapport à 2012. La filière porcine n’est pas en reste et bénéficie d’une hausse de 10 % de ces exportations. « Nous avons vendu près de 20 000 tonnes de pièces en Chine en 2013, soit une hausse de 30 % par rapport à 2012 », annonce Jean-Michel Mauboussin, directeur industrie des viandes de Cooperl, le spécialiste de l’abattage et de la découpe de porc en France.
La valorisation du pouvoir d’achat des chinois leur donne également l’opportunité d’assouvir leur faim de produits culturels et le cinéma français a bien intégré la donne puisqu’il s’évertue depuis longtemps à séduire un public friand des acteurs made in France, une audience porteuse de recettes. Si Sophie Marceau et Alain Delon sont considérés comme des demi-dieux au pays de Jackie Chan, les producteurs français n’hésitent pas à surfer sur la popularité de nos stars du moment pour charmer un auditoire qui devrait représenter en 2014 un marché de 4,8 milliards de dollars.
En 2013, le cinéma hexagonal a réalisé 5,2 millions d’entrées en Chine, grâce notamment au Marsupilami d’Alain Chabat. Pour contrer le quota des vingt films étrangers autorisés à être distribués dans le pays, les producteurs français commencent à nouer des partenariats avec des sociétés locales. Récemment, c’est EuropaCorp, dirigée par Luc Besson, qui s’est s’associée à la société de production chinoise Fundamental Films pour un film ayant pour vedettes Jean Reno et Fan Bingbing, une jeune chanteuse et actrice chinoise. Une coproduction qui aura les avantages de se voir ouvrir plus facilement les portes de l’Empire Céleste.
Fosun, marchepied des entreprises étrangères en Chine
Comme dans le cinéma, le monde de l’industrie et du commerce français a compris qu’il avait tout intérêt à dénicher des partenaires locaux leur permettant d’avoir une entrée sur le marché asiatique. Et dans cette optique, le Groupe chinois
Fosun a des allures de facilitateur d’affaires qui sait convaincre. Créée il y a vingt ans par des étudiants, la société qui était alors spécialisée dans l’immobilier est devenu un conglomérat ayant dégagé l’année dernière un chiffre d’affaires de 6,5 milliards d’euros.
La réussite de Fosun est l’œuvre de son patron Guo Guangchang, qui depuis le début sait saisir les opportunités et diversifier les investissements du Groupe. Actionnaire de référence du Club Med depuis 1998, cette alliance a permis aux célèbres clubs de vacances de mettre un pied en Chine avec à ce jour l’ouverture de trois villages. Le fleuron du tourisme français n’est pas la seule entreprise à avoir profité de la position privilégiée du géant Fosun en Chine. Le joaillier grec Folli Follie, la marque de vêtements italienne Caruso ou dernièrement l’allemand Tom Tailor sont désormais dans le giron du conglomérat. En prenant des participations dans des sociétés reconnues dans leur domaine respectif, l’ambition de Guo Guangchang est de faire valoir ses avantages compétitifs afin de les aider à se développer sur le marché chinois. Industrie, assurances, matières premières, autant d’autres secteurs qui n’échappent pas à Fosun. « Nous sommes intéressés par des investissements liés à la tendance de fond de montée en gamme de la production et de la consommation en Chine », déclare Guo Guangchang.
Selon le PDG de Fosun, la Chine va rester le principal moteur de la croissance mondiale. Si un ralentissement de son activité économique est relevé ces derniers mois, le pays continue cependant de présenter des résultats suscitant l’envie auprès de nos entrepreneurs nationaux et de leurs homologues internationaux. Le professeur américain Karl Gareth, spécialisé dans l’histoire du consumérisme chinois, explique dans son livre « As China Goes, So Goes the World: How Chinese Consumers are Transforming Everything », que toutes les entreprises au monde ont aujourd’hui besoin de définir une stratégie pour toucher la classe moyenne chinoise. «Il vaut certainement mieux en avoir une ou sinon, avoir une excellente justification à fournir à ses actionnaires», déclare-t-il. Une préconisation qui semble faire son chemin puisqu’en 2013, on recensait plus de
1 500 entreprises françaises basées en Chine, 2 200 implantations, pour un total de 500 000 employés.