Les bases de la réussite chinoise
Depuis
l’ouverture économique à la fin des années 1970 et dans les années 1980, sous l’influence
de Deng Xiaoping, la Chine mit en œuvre une stratégie basée sur quelques
principes économiques qui ensemble constituaient ce qu’on appelle « L’économie
socialiste de marché » :
-L’ouverture économique, par la politique
des Zones Economiques Spéciales décidée en 1979. Situées surtout sur la Chine
littorale ces zones avaient pour objectif d’offrir aux firmes transnationales
des avantages fiscaux pour qu’elles puissent installer leurs usines et leur
production et donc augmenter le dynamisme et l’activité économique du pays. Toutefois
on peut le dire l’ouverture économique fut localisée et très progressive.
-Une
forte industrialisation fut aussi la
clef de la réussite. L’ouverture économique a permis cette industrialisation,
en plus d’un avantage démographique considérable : la possession d’une
main-d’œuvre immense et donc à bas coût a favorisé l’installation de plus en
plus grande des industries d’abord à faible valeur ajoutée (surtout des biens
de consommation) mais aussi de plus en plus à valeur ajoutée forte, développant
aussi une économie de la connaissance.
-Un mercantilisme relativement agressif complétait
cette industrialisation pour la rendre concurrentielle et faire de la Chine une
puissance exportatrice. C’est par la politique monétaire que ce fut fait, avec
un taux de change faible, rendant le Yuan sous-évalué par rapport aux autres
monnaies mondiales. C’est aussi pour cela qu’on évoqua la Chine comme étant
devenu « l’Atelier du monde ».
-Une législation différente
d’un point de vue social et environnemental rendant la Chine attractive pour
des entreprises ayant des coûts de plus en plus élevés pour l’embauche d’ouvriers
peu qualifiés dans les pays développés.
Le
tout a été couronné par une adhésion à l’Organisation Mondiale du Commerce en
2001. La Chine dû alors poursuivre des réformes de libéralisation, sans pour
autant abandonner certains principes, comme sa monnaie très faible et une
législation avantageuse, ainsi qu’un Etat interventionniste. Progressant de
plus en plus dans les années 2000, la Chine fut moins affectée que les pays
occidentaux lors de la crise mondiale de 2008-2009. Néanmoins, cette crise mit
en valeur un fait : l’économie chinoise, par son caractère très
exportateur, la rend particulièrement dépendante des pays occidentaux. De même,
des tensions à l’OMC concernant la stratégie chinoise très défensive (propriété
intellectuelle, yuan faible) se sont développées dans ces années. C’est sans
doute pour ces raisons que la Chine adopte peu à peu une nouvelle stratégie
économique.
De nouvelles orientations économiques
Depuis quelques années donc, certaines
décisions économiques chinoises passent relativement inaperçues mais pourraient
peu à peu changer la donne économique chinoise vers une libéralisation accrue.
Ces décisions
répondent tout d’abord à de nouvelles tendances économiques observées en Chine :
-La Chine est devenue la première puissance commerciale au monde
devant les Etats-Unis. Parallèlement à cela, du fait de l’évolution de la
société chinoise (urbanisation, diffusion progressive de la croissance à la
Chine intérieure, accès au marché de plus en plus grand), la population
chinoise va bientôt devenir la plus grande source de demande au monde. Le
marché intérieur chinois ouvre donc de nouvelles possibilités à l’économie du
pays.
-L’évolution
démographique chinoise tend à entraîner une augmentation du coût de la
main-d’œuvre chinoise, notamment par rapport à d’autres pays émergeants
asiatiques.
-La
puissance monétaire et économique chinoise, ainsi que sa croissance,
entraîne logiquement une hausse des prix et une augmentation du prix de la
monnaie chinoise par rapport aux autres, ce qui peut avoir une influence sur
ses exportations.
En réaction à ces
évolutions ainsi qu’à des tensions économiques ou encore une volonté de se
rendre indépendante de la demande occidentale, la Chine a donc fait évoluer ses
pratiques économiques par des réformes d’une grande importance en 2013 et 2014.
-En ce qui concerne l’organisation interne et le rôle de l’Etat, des monopoles sont
abandonnés dans le chemin de fer, le transport aérien, la finance, l’énergie et
les télécoms. De même, une réforme des terres agricoles est entreprise.
-L’ouverture
financière est aussi une petite révolution. En effet, la Chine admet de
plus en plus facilement les capitaux étrangers sur ses places financières et
les réstrictions administratives sont moins grandes. De même, la Chine aide
financièrement d’autres économies asiatiques (par des crédits notamment) :
Mongolie, Kazakhstan, Afghanistan, Inde, Pakistan... Une véritable « zone
économique chinoise » se prépare avec une institution bancaire d’investissement
et une sorte de fond monétaire pour coopérer avec ces nouveaux partenaires. Comme
une sorte de « Plan Marshall » à la chinoise pour soutenir le
développement de pays voisins.
-Cette ouverture
est également commerciale et permet de renforcer les liens commerciaux avec
les pays aidés pour donner de nouveaux débouchés à l’économie chinoise qui
pourra donner des chantiers à ses grandes entreprises pour la construction des
infrastructures dont ces pays ont besoin. Cela permet aussi aux chinois d’écouler
un excédent d’épargne et de dollars…
-Dans cette même stratégie de conquête
économique, c’est la politique monétaire
qui est la plus impressionnante. En effet, par la stabilité de sa
croissance, par ses réserves de changes de plus de 4 000 milliards de
dollars, la Chine a une monnaie de plus en plus stable. Elle suscite de plus en
plus la confiance des marchés. C’est parce qu’il y a une libéralisation du taux
de change et du taux d’intérêt en Chine : les prix de marché se
constituent peu à peu et amènent à un yuan non sous-évalué dans le même temps
où les américains, par une politique de quantitative easing à
répétition faussent les prix de marché. L’objectif chinois est ici de stimuler
le marché intérieur et son potentiel. Au niveau international donc, le yuan n’a
plus le rôle de doper les exportations mais a vocation à être une monnaie d’échange.
En effet, la Chine n’utilise plus le dollar pour nombre de ses échanges
notamment avec l’UE et les économies asiatiques. Le yuan s’internationalise :
des accords ont été signés avec la Suisse ou le Royaume Uni, des émissions
obligataires ont eu lieu à Londres. La monnaie chinoise est maintenant
convertible sans passer par une monnaie intermédiaire.
On le voit donc, ce qui se joue depuis
quelques mois et ce qui va se poursuivre progressivement en Chine est tout à
fait passionnant. La traditionnelle stratégie mercantiliste est de plus en plus
laissée de côté au profit d’une économie en voie de libéralisation, une
économie de l’offre avec des prix libres fixés par les marchés. De même, la
stratégie chinoise vise à concurrencer le système américain au niveau
monétaire, financier, commercial et même institutionnel. La coopération avec d’autres
économies en devenir pourrait bien faire de la Chine le pivot d’une nouvelle
économie-monde, plus multipolaire que jamais, voire à dominante asiatique
claire. Tout est fait en tout cas pour renforcer l’indépendance des économies
asiatiques vis-à-vis du dollar, afin d’éviter les crises comme celle de 1997
(que la Chine avait d’ailleurs peu connue).
Des réformes
historiques sont donc en marche. Espérons que le dirigeant chinois actuel, Xi
Jinping, soit « éclairé » dans tous les sens du terme et qu’à l’avenir,
peut-être dans une ou deux décennies, ces réformes libérales se concrétisent
politiquement pour amener la Chine vers la démocratie.
没有评论:
发表评论