Après avoir racheté deux constructeurs américains, les Chinois s'intéressent de très près à de petits avionneurs français en difficulté financière.
Plus de 400.000 salariés, 37 milliards d’euros de chiffre d’affaires, plus de 200 filiales (avionneurs, hélicoptéristes, motoristes…). AVIC (Aviation Industry Cooperation of China), la machine de guerre de l’aéronautique chinoise, a de quoi donner des sueurs froides aux champions occidentaux.
Mais la puissance de feu de ce monstre étatique, qui développe via Comac le moyen-courrier C919, l’avion régional ARJ-21 ou les hélicoptères d’attaque Z-10 et Z-19, n’est pas le seul aiguillon de la conquête chinoise du secteur. Pékin utilise aussi une arme bien plus discrète, et pas forcément moins efficace : le rachat de sociétés occidentales.
Les avions Cirrus et les hélicoptères Enstrom ont été avalés par AVIC
La liste des acquisitions récentes est éloquente: AVIC s’est offert en mars 2011 le spécialiste américain des petits avions d’affaires Cirrus. Le groupe CQHIC a racheté en janvier le fabricant d’hélicoptères américain Enstrom, basé dans le Michigan. Le groupe Superior Aviation Beijing a échoué d’un cheveu à racheter Hawker Beechcraft, mythique constructeur américain en faillite, en octobre 2012.
AVIC a aussi longtemps tourné autour du sous-traitant français Latécoère, spécialiste des aérostructures, du câblage et de l’ingénierie aéronautique (643,6 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2012), qui travaille pour Airbus, Boeing, Bombardier, Embraer et Dassault, avant de renoncer.
Qui sont les Français dans le viseur des Chinois?
Pékin a pourtant bien entamé ses emplettes en France: le groupe minier Leshan Heima a racheté début février l’avionneur savoyard Lisa Airplanes, concepteur de l’Akoya, un hydravion biplace capable de se poser sur terre, neige et eau. La PME était en redressement judiciaire, comme la société lorraine Sky Aircraft, qui développe le projet d’avion tout terrain Skylander.
Ce constructeur français est lui aussi dans le viseur d’une société chinoise.Hong Kong Technology Group Corporation s’est engagée à investir 80 millions d’euros dans le programme, via le géant AVIC. Le tribunal de commerce de Briey (Meuthe-et-Moselle) doit prendre une décision le 4 mars prochain.
Pourquoi cette boulimie d’acquisitions? Petites structures, ces sociétés d’ingénieurs n’en sont pas moins des actifs précieux pour des acteurs chinois qui peinent à avancer leurs développements aéronautiques, comme le prouve l’exemple de l’ARJ-21, un programme cauchemardesque.
Des fonds créés pour éviter la main-mise de Pékin
"Ce qui motive la démarche d’investissements chinoise aujourd’hui, c’est l’acquisition de technologies, et l’accès à un marché européen – quand il existe", explique Jean-François Dufour, du cabinet DCA Chine-Analyse, auteur de Made by China, les secrets d’une conquête industrielle (Dunod, 2012). Qui pose la "question fondamentale" : "Quelle politique est susceptible d’éviter que ces PME se retrouvent en procédure de liquidation, avec des repreneurs chinois pour seule alternative ?"
La France a déjà donné un élément de réponse, en lançant fin janvier le fonds de capital-risque Aerofund III, doté à terme de 300 millions d’euros. Ce successeur des fonds Aeofund et Aerofund II, abondé par le FSI, Airbus, EADS, Safran et Eurocopter, "a pour vocation d’investir dans des PME prometteuses de la filière aéronautique, fournisseurs de rang 1 ou 2 des grands donneurs d’ordre", de moins de 500 millions d’euros de chiffre d’affaires. Les pépites technologiques en difficulté financière peuvent-elles entrer dans son champ d’action? Les premiers investissements du fonds seront l’occasion de le vérifier.
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